Dans cette affaire, un salarié avait tenu des propos présentés comme « humoristiques » à l’égard de collègues. L’employeur avait considéré que ces remarques portaient atteinte à leur dignité et avait prononcé un licenciement pour faute grave. La Cour de cassation confirme cette position et rappelle avec force un principe essentiel : la dignité des personnes au travail constitue un repère intangible.
Ce qui importe n’est donc pas l’intention affichée (« c’était pour rire »), mais les effets produits sur les personnes visées et le contexte dans lequel les propos sont tenus. L’humour ne peut jamais servir d’écran pour minimiser une parole qui dévalorise, humilie ou crée un sentiment d’insécurité. Cette décision s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence française qui, depuis plusieurs années, renforce les exigences en matière de respect des personnes, de prévention des comportements dégradants et de vigilance managériale.
Elle rappelle également une réalité souvent rencontrée sur le terrain : des propos jugés anodins par leurs auteurs peuvent être vécus comme des micro-attaques répétées par ceux qui en sont la cible. Et lorsque ces mots franchissent une limite – celle du respect dû à chacun –, ils relèvent du pouvoir disciplinaire de l’employeur.
Dans l’accompagnement des organisations, nous constatons que ce type de situations surgit le plus souvent dans des environnements où les règles de fonctionnement ne sont pas suffisamment explicitées. Lorsque l’ambiance de travail repose sur une culture de la « taquinerie » ou de l’humour permanent, les salariés eux-mêmes peinent à identifier le moment où la dynamique devient nocive. La décision de la Cour rappelle l’importance de poser un cadre clair, accessible et incarné par l’encadrement.
Pour les managers, l’enjeu est double : montrer l’exemple dans leurs propres interactions et intervenir dès les premiers signaux. Une remarque déplacée, même isolée, doit être relevée, non pas pour sanctionner systématiquement, mais pour rappeler la règle collective et préserver un climat de sécurité pour tous.
Pour les directions, cette jurisprudence invite à consolider les dispositifs de prévention : formation au repérage des comportements inappropriés, sensibilisation au respect des personnes, clarification des règles de civilité et de communication, procédures internes d’alerte et de traitement. Le message envoyé par la Cour est sans ambiguïté : la dignité n’est pas négociable, elle s’impose à chacun, et sa protection relève de la responsabilité de l’employeur.
* Cour de cassation, Chambre sociale, 5 novembre 2025, 24-11.048, Publié au bulletin

